Ils étaient sensés dormir, à l'image de l'institut qui les abritait, en cette heure chaude de début d'après-midi. Leur vie se déroulant essentiellement la nuit désormais, la journée était faite pour récupérer des forces. Maudites sangsues ne supportant pas le soleil... Elles voulaient les priver du bonheur de la lumière du jour. Certes cette lumière était devenue un peu plus dure à supporter au fil des années, mais une paire de lunettes de soleil réduisait déjà bien assez l'inconfort et permettait de continuer à se sentir à peu près "normaux".
Jacob et Seliel préféraient donc bâiller en cours et se tenir la tête à deux mains pour qu'elle ne tombe pas lourdement de fatigue sur la table plutôt que de sacrifier la totalité de la journée à dormir : autant dire qu'ils se trouvaient en jet-lag permanent.
Ils n'avaient même pas encore fait l'effort de faire connaissance avec les autres, préférant les ignorer et rester entre eux dans le fond des classes. Seliel ignorait même jusqu'aux visages des autres, se refusant à faire l'effort de les regarder vraiment. Elle évoluait dans ce monde comme on évoluerait dans un rêve : détachée de tout et flottant au dessus.
Cependant, la blonde semblait avoir compris une chose que Jacob n'avait manifestement pas encore capté au vu de la proposition qu'il venait de lancer, assis sur le rebord d'une des grandes fenêtres, mais elle en avait l'habitude, son esprit étant particulièrement aiguisé, derrière ses dehors je m'enfoutiste.
Elle avait parfaitement compris que leur place était ici. Elle refusait simplement de l'admettre, mais Jacob était en train de lui mettre un couteau sous la gorge, la forçant à regarder les choses en face avec beaucoup plus d'acuité : il s'agissait de le protéger.
- Jacob... Je crois que tu n'as pas bien compris. On ne peut pas s'enfuir. Tu dois te dire que jusque là on s'en sortait très bien dehors, pas vrai ? C'est vrai d'ailleurs...
Le problème c'est qu'on grandit, là. Le sang corrompu de vampire dans nos veines gagne en force et si on s'en va d'ici, on ne se suffira plus tous les deux et il nous rongera de l'intérieur. Ça sera plus juste fatigués, qu'on sera... On se tordra de douleur, et on finira par en mourir sans doute, un jour ou l'autre...
Elle le regardait d'un air désolé.
- Ecoute, je sais que depuis qu'on est ici, je ne me suis pas montrée du tout enthousiaste. Et le fait est que je les déteste tous, pour ce que nous sommes, pour ma mère qui ne savait rien, pour ce qu'ils sont... Mais c'est notre meilleure chance de survivre et d'en apprendre plus. Il faut qu'on reste et qu'on devienne plus forts.
Sa main se posa sur le bras de son ami et le serra légèrement.